Ce petit village de moins de 400 habitants
s’est vraiment surpassé pour honorer ses morts : les décorations
qui s’allongeaient sur plus d’un kilomètre de parcours, la belle
ordonnance des arcs de triomphe, la fraîcheur et la délicatesse
des costumes, le recueillement de la foule, la simplicité de bon
aloi et si chrétienne du monument, tout à louer et à
admirer.
* *
L’église, sobrement et pieusement ornée pouvait à
peine contenir la foule qui voulut assister au service du matin. M. le
doyen d’Hucqueliers y donna le sermon de circonstance : «
nous avons une dette à payer à nos soldats. Ces morts sont
nos morts et nous sommes leurs vivants, nous nous devons de garder intact
l’héritage de labeur, de courage, de souffrance et de gloire qu’ils
nous ont légué. »
Le banquet qui suivit, très bien servi, réunissait dans
la salle de l’école la plupart des notabilités de la région.
M. le maire remercia en quelques mots M. le conseiller général
et MM. Les maires d’avoir bien voulu assister à cette fête
glorieuse. M. de la Gorce y fut de son toast, toujours marqué au
coin de la plus parfaite distinction.
* *
A 3 heures, le cortège formé au marais s’ébranlait
aux accents entraînants de la musique de Fruges. C’était
d’abord des cavaliers très bien montés, une ravissante Jeanne
d’Arc à cheval, accompagnée d’un gentil page, la République,
personnifiée par une forte jeune fille, des groupements divers portant
les noms des 19 victimes, des bouquets et des emblèmes de circonstance,
les bannières des confréries. Remarqués, les arcs
de triomphe géminés, face à la propriété
de M. Jean Ducrocq ; remarqués de même, les festons décoratifs
qui couraient tout le long du château de M. Ducrocq, ancien maire ;
inscriptions bien choisies partout souhaitant la bienvenue ou évoquant
les souvenirs poignant de la grande guerre. Le monument a grand air avec
sa croix légère, bien placé au coin du cimetière,
il attire tous les regards. Le voile tombe, la musique attaque la Marseillaise
qui est écoutée, chapeaux bas, les enfants des écoles,
guidés par Mme Trannoy, entonnent le chant du départ, puis
viennent les discours. De M. le maire d’abord, sa parole nette et bien timbrée
est entendue et comprise par tous ; de M. de la Gorce qui tire de
cette cérémonie les enseignements d’union, de travail et
de sacrifice qu’elle comporte. Une jeune fille déclame, ma foi très
bien, la poésie célèbre de Victor Hugo, et M. le curé
entreprend la série des remerciements. Merci à M. le maire
et à MM. Les conseillers municipaux, qui se sont dépensés
sans compter pour la réussite d’un pareil triomphe. Merci à
M. l’instituteur, et à sa dame qui furent la cheville ouvrière
de la fête – félicitations à M. Jean Ducrocq et Lefebvre,
pour leur dévouement inlassable, levés à 4 heures
du matin à bicyclette, en auto, courant sur toutes les routes, ils
peuvent être fiers de leur œuvre. Merci à M. le doyen, félicitations
bien méritées à toute la population. L’ombre du bon
père Daquin dut être satisfaite de voir son petit Wincquinghem
si paré, si sérieux, et pas en retard du tout. La bénédiction
solennelle du monument et le chant du
De Profundis terminèrent
cette cérémonie sans égale.