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MÉMOIRES DE PIERRE

LENS

             Lens a été décoré de la Légion d'honneur le 30 août 1919


Monument aux morts

Le monument aux morts de Lens est l'un des plus puissamment évocateur de notre département du Pas-de-Calais. Il évoque en effet aussi bien le combattant et le civil, le martyr des hommes et des cités, à travers une oeuvre remarquablement exécutée. Il est aussi un support d'expression politique de la municipalité socialiste d'après guerre. On y rejette une certaine vision romantique de la guerre : le Poilu y est présent mais n'est ni l'arrogant victorieux ou l'exalté combattant d'autres monuments, il est simplement vigilant et plein d'une résolution déterminée. Les civils, rarement représentés sur les monuments, ne sont pas ici oubliés et ce sont une mère et sa fille contraintes à l'exode, abandonnant le foyer avec pour seule richesse un baluchon et une poupée brisée. Elles rappellent que tous sont les victimes de la folie barbare des hommes et en premier lieu les populations civiles. Quant à la représentation de la ville de Lens, loin de l'évocation des grandes figures antiques généralement convoquées au sommet des monuments, elle domine l'oeuvre sous la forme d'une simple femme du peuple, résolue et énergique face à la barbarie de la guerre, son bras plaqué contre le corps proteste contre celle-ci.

Localisation : Le monument était installé à l'origine sur la place du Cantin. Le monument est désormais installé au centre du rond-point Van Pelt

Marbrier : Augustin LESIEUX

Date d'inauguration :  24 mai 1925   [Voir l'inauguration dans la presse d'époque], le choix d'une date d'inauguration a été compliqué par des problèmes d'agenda. Dans un premier temps, le conseil municipal annonça l'inauguration pour le 28 septembre 1924, mais le monument n'étant pas achevé, le 20 janvier 1925 le maire Emile Basly annonce l'inauguration pour le 12 avril 1925, soit le dimanche de Pâques. Le 5 février, le comité d'érection informe d'un nouveau report au 17 mai 1925. Malheureusement, quelques temps après on apprend que les élections municipales sont fixées au 17 mai, l'inauguration doit donc être repoussée à la semaine suivante.

Texte de la dédicace :

LENS
A ses enfants 1914-1918


Monument aux morts de Lens
Monument aux morts de Lens vue de dos


Architecte : BARTHELET (architecte de la ville de Lens). Il décrit ainsi son sujet : «  Le motif principal du monument est la ville de Lens personnifiée par une femme du peuple aux traits rudes et énergiques, qui, le pied sur une torpille, proteste du bras, en un geste puissamment éloquent, contre l’envahisseur et ses actes de désolation. Sur le socle, à droite, se trouve un Poilu appuyé sur son fusil et regardant au loin l’arrivée de l’ennemi.
Derrière, une femme et un gosse s’en vont, baluchon à la main, représentant l’exode, la fuite navrante devant le feu, la faim, l’ennemi, l’exil qu’ont connu beaucoup de Lensois.
A gauche, c’est le retour au foyer démoli. C’est le mineur qui revient au logis et retrouve le tout anéanti, brûlé et qui, les mâchoires crispées et les poings serrés, maudit éternellement la haine absurde des hommes qui s’entretuent. La base du monument est orné de bas-reliefs situés entre les trois sujets ci-dessus. Sous l’inscription ‘Lens à ses enfants, 1914-1918 » se trouve une galerie de mine, au boisage brisé, envahie par les eaux. Sur la gauche, au milieu des fils de fer barbelés, un soldat porte secours à un des ses frères d’armes mortellement blessé et sur le motif de droite, le bombardement intensif saccage les usines et les mines » [on lira dans la presse d'époque l'interprétation du député Basly, maire de Lens, lors de l'inauguration]

Matériau : pierre du Poitou

Coût et financement : Prix forfaitaire de 243.000 francs dont  50.000 furent pris en charge directement par la ville, de nombreuses souscriptions publiques financèrent le reste (tombola, concours des commerçants, combats de coq, combat de Boxe avec le célèbre Georges Carpentier, concert (dont un concert de la Grade Républicaine), etc.)

Dans son édition du 23 février 1925, le Journal de Lens évoque les dissensions autour de l’édification du monument aux morts de Lens et rapporte la vision de l’architecte sur ce monument :

Les membres du comité d’érection du monument aux morts se sont réunis mardi dernier, salle de la mairie, sous la présidence de M. Basly, député-maire, et après une discussion ont décidé de fixer au dimanche 12 avril (Pâques) la date d’inauguration du monument aux morts. Un grand défilé sera organisé à cette occasion, auquel sont conviées toutes les sociétés de musique, gymnastique, ou autres, associations de mutilés et d’anciens combattants. 20000 francs de primes seront distribués entre les sociétés participantes. Mieux ! On assure que des démarches vont être faites auprès de M. Herriot, président du conseil des ministres, pour qu’il vienne présider la cérémonie.

Nous savons donc enfin que la question du monument n’était pas un mythe : qu’on s’en occupait, que des personnes dévouées et des artistes s’ingéniaient à résoudre. Mais que d’encre elle aura fait couler ! Combien d’articles auront été faits à son sujet. Nous en avons sous les yeux toute une série et nous remarquons que dans presque tous, il est question de M. Bartelet, l’éminent architecte qui conçut le projet actuellement en voie d’exécution. D’aucuns le louent, l’approuvent, d’autres l’attaquent, le méprisent. Cela nous décide à lui rendre visite.

Nous nous présentons. M. Bartelet nous accueille avec bienveillance. Après l’échange des politesses d’usage, nous commençons l’interview et nous exposons les motifs de notre visite. M. Bartelet nous regarde en souriant et nous dit tout en ne cessant pas de ranger les paperasses de son bureau.
Monsieur, voici l’historique du monument aux morts. Un peu après l’armistice, un comité particulier prit l’initiative de doter la ville de Lens d’un monument ayant pour mission de perpétuer le souvenir vivace des souffrances terribles endurées par Lens et ses enfants durant la guerre de 1914-1918. L’idée était noble et généreuse. Mais on ne sait pourquoi, jamais elle ne prit corps et menaça de rester longtemps à l’état de projet. Ce que voyant, M. Basly, député-maire, créa un nouveau comité au sein duquel se trouvaient MM. Tacquet, Boulanger, Cuvelette, Brachelet, Neuville, des anciens combattants, Pierron et d’autres conseillers municipaux. Ce deuxième comité se mit tout de suite à l’œuvre, choisit l’emplacement et demanda des projets. Six furent présentés. L’un des miens fut retenu. Le comité l’avait retenu parce qu’il semblait devoir concilier les critiques de tous les partis politiques qui, naturellement, avaient à ce sujet des opinions fortement divergentes, jugez-en d’ailleurs par vous-mêmes.
Nous examinons la photo de la maquette reçue et M. Bartelet continue : vous le voyez, pas d’allégorie au cliché patriotique trop classique, pas de tableau illusoire pouvant donner, ne fut-ce qu’une seconde, l’illusion de la beauté trop souvent chantée des batailles. Non, rien de cela. Simplement quelques chose qui, tout en perpétuant le souvenir du cataclysme et de l’héroïsme de nos morts, donne à nos enfants une image de tout ce que la guerre a d’horrible. La ville de Lens personnifiée par une femme du peuple aux traits rudes et énergiques qui, le pied sur une torpille proteste du bras en un geste puissamment éloquent contre l’envahisseur et ses actes de désolation. Cela forme le motif principal du monument. Ensuite…
Ici l’artiste se lève. Il est tellement empoigné par son sujet qu’il se met à marcher de long en large dans son bureau tout en nous expliquant :
Sur le socle à droite un poilu. Et ce poilu, monsieur, n’est pas là comme certains le prétendent, pour assurer à la foule qu’il est prêt à remettre ça. Il dit, il crie éloquemment, les pieds dans la boue, toute sa lassitude et sa souffrance. Derrière lui, une femme et un gosse s’en vont, baluchon à la main, ça monsieur, c’est l’exode, la fuite navrante devant le feu, la faim, l’ennemi, l’exil qu’ont connu beaucoup de Lensois.
Ses paroles sont si vibrantes et si vraies que la vision évoquée nous passe devant les yeux. Et à gauche, c’est le retour au foyer démoli. C’est le mineur qui revient au logis et retrouve le tout anéanti, brûlé ; alors, les mâchoires crispées et les poings serrés, il maudit éternellement la haine absurde des hommes qui s’entretuent.
M. Bartelet se rassied et roule entre ses doigts une cigarette de Maryland.
La base du monument, continue-t-il, est orné de bas-relief situés entre les trous sujets ci-dessus. Sous l’inscription Lens à ses enfants 1914-1918, nous voyons une galerie de mine, au boisage brisé, envahie par les eaux. Sur la gauche, au milieu de fils de fer barbelés, un soldat porte secours à un de ses frères d’armes mortellement blessé. Sur le motif de droite, le bombardement intensif saccage les usines et les mines. D’ailleurs, ajoute-t-il, si vous voulez venir vous pourrez juger d’après nature.
Nous nous rendons dans le baraquement à l’intérieur duquel les ouvriers travaillent sous la direction de M. Lesieux. Et nous restons étourdi.
Dieux ! Que c’est formidable et saisissant de réalité, cette femme et sa gosse qui n’a pas voulu abandonner sa poupée et qui la porte, cassée, dans son petit paquet. Et ce soldat résigné, mais las des longs jours de bataille dans la boue. Et ce mineur, quelle sobre et puissante expression dans son attitude.
Nous prenons congé de l’éminent architecte en le remerciant de son amabilité, et nous partons encore tout bouleversé de ce qu’il nous a été donné de voir.


Lens détail du monument aux morts - soldats
Détail du monument aux morts de Lens :
Un soldat porte secours à un de ses camarades mortellement blessé

Lens détail du monument - ruines
Détail du monument aux morts de Lens :
les mines et les usines saccagées par les bombardements

Liste des fusillés en 1939-1945 :
CUIRLIK Simon (Né le 3 mai 1918, exécuté le 4 novembre 1942, à la citadelle d’Arras)
LALOUX Hector (Né le 18 décembre 1884, exécuté le 14 avril 1942, au fort du Vert-Galant à Verlinghem)
LETIENNE Jean (Né le 29 mars 1910, exécuté le 11 août 1942, au Mont-Valérien)
PSAUTE François (Né le 6 juillet 1923, exécuté le 17 juin 1942, au fort du Vert-Galant à Verlinghem)

Liste des militaires décédés au cours des opérations en Afrique du Nord :
ANDRIES Daniel Adrien Corneille, né le 25 octobre 1940 à Lens, décédé le 21 juin 1961 à Chebli (Algérie)
BRAY Georges, né le 19 septembre 1940 à Lens, décédé le 6 juillet 1961 à Ouled Dhia (Algérie)
CYBULSKI Henri, né le 15 août 1936 à Lens, décédé le 8 novembre 1958 à Tessefour (Algérie)
FONTAINE Claude, né le 5 mars 1934 à Liévin, décédé le 6 novembre 1956 à Port Fouad (Egypte)
FROMENTEL Pierre, né le 14 novembre 1937 à Lens, décédé le 27 juillet 1958 à Tessala (Algérie)
GUILLAUME Michel Bernard, né le 20 juillet 1937 à Paris, décédé le 25 juillet 1959 à  Alma (Algérie)
KOSLOWSKI Henri Léon, né le 10 août 1934 à Lens, décédé le 4 juillet 1957 à Blida (Algérie)
LAMOUR Jean-Marie, né le 9 septemre 1937 à Wingles, décédé le 26 octobre 1959 à El Miha (Algérie)
MAHIEUX Robert, né le 31 octobre 1934 à Carvin, Décédé le 15 juin 1958 à Tebessa (Algérie)
MICHALAK Arthur, né le 7 juillet 1938 à Lens, décédé le 16 avril 1959 à Philippeville (Algérie)
NOSEK Stéfan, né le 29 novembre 1927 à Sledziejowice (Pologne), décédé le 17 septembre 1957 à Babar (Algérie)
RAMBEAU Emile François, né le 5 janvier 1933 à Lens, décédé le 25 novembre 1955 à Tizi Ouzli (Maroc)
RAPACKI Valentin, né le 11 janvier 1931 à Lens, décédé le 15 janvier 1956 à El oued (Algérie)
THIBAUT Louis Edouard, né le 1 octobre 1935 à Lens, décédé le 29 juin 1957 à Ain Ketone (Algérie)
VANNOYE Raymond, né le 8 février 1937 à lens, décédé le 13 mai 1958 à Oued Sebbah (Algérie)

Lens, Vincent Auriol devant le monument
Vincent Auriol, président de la République lors d'une tournée dans la région en juillet 1947
dépose une gerbe au monument aux morts de Lens

Détails du monument aux morts de Lens : 

"La ville de Lens personnifiée par une femme du peuple aux traits rudes et énergiques, qui, le pied sur une torpille, proteste du bras, en un geste puissamment éloquent, contre l’envahisseur et ses actes de désolation"

         Détail du monument de Lens - la ville de Lens
"Le mineur qui revient au logis et retrouve le tout anéanti, brûlé et qui, les mâchoires crispées et les poings serrés, maudit éternellement la haine absurde des hommes qui s’entretuent"

Lens détail du mineur

"Un Poilu appuyé sur son fusil et regardant au loin l’arrivée de l’ennemi"




Lens détail du Poilu
"une femme et un gosse s’en vont, baluchon à la main, représentant l’exode, la fuite navrante devant le feu, la faim, l’ennemi, l’exil qu’ont connu beaucoup de Lensois"

Lens détail réfugiés

Liste des militaires Lensois morts au cours de la Grande Guerre + étude statistique paru dans la revue Gauhéria, n° 70, août 2009

Liste des Juifs de la commune déportés au cours de la seconde guerre mondiale



Les autres lieux de mémoire de la commune

       - Monument aux morts de la paroisse Saint-Léger

       - Au pont Césarine, une plaque à la mémoire de Charles Debarge, Moïse Boulanger et Marcel Ledent, fusillés à la citadelle d’Arras pour avoir tués des allemands. Charles DEBARGE (FTP) avait tué 2 sentinelles allemandes gardant la voie SNCF le 11 avril 1942.

        - Plaque en hommage à Jean LETIENNE (cimetière). 

        - Monument de la société des mines de Lens en hommage à ses ingénieurs, employés, ouvriers et retraités morts pour la France au cours de la Grande Guerre

        - Plaques aux cheminots

        - Monument aux victimes du bombardement du 11 août 1944

        - Plaque en hommage aux morts de la compagnie des mines de Lens (1939-1945)

        - Plaque aux morts de l’école Saint-Pierre de la compagnie des Mines de Lens (actuelle école Pasteur)

        - Lens Eastern Communal Cemetery. Lens a été très touché par la première guerre mondiale, en particulier durant l'été 1917. Le cimetière communal a alors été étendu par les troupes allemandes. Une trentaine de soldats britanniques y reposent aujourd'hui, tous tombés en septembre 1915 ou en octobre 1916. 

        - Cimetière militaire allemand de Lens-Sallaumines. Contient près de 15646 corps de soldats allemands, et 2 russes. Cimetière ouvert à l'automne 1914 par les troupes allemandes. Il reçut rapidement le nom de cimetière de Lorette ou encore cimetière du XIVe corps d'armée. Le cimetière fut totalement endommagé en 1918 sous le feu de l'artillerie alliée. Les autorités françaises remirent en état le cimetière après la guerre. Dans ce cimetière repose Paul Mauck, l'un des plus jeunes engagés allemands, il avait 14, et tomba le 7 juin 1915.

        - Une rue de la commune porte le nom de 19 mars 1962, en souvenir de la fin de la guerre d'Algérie.




Sources :
- Sur l'histoire du monument aux morts (choix des artistes, comité d'érection, souscriptions publiques, inauguration, etc.) voir l'article de Jerôme Janicki paru dans l'Avenir de l'Artois (édition de Lens) des 23 octobre, 30 octobre 2008 et 6 novembre 2008
- GRAILLES Bénédicte, Mémoire de pierre : les monuments aux morts de la première guerre mondiale dans le Pas-de-Calais, Archives départementales du Pas-de-Calais, 1992.
- Commonwealth War Graves Commission
- Mairie de Lens
- Archives départementales du Pas-de-Calais : Livre d'Or de la compagnie des mines de Lens (Cote : C2130)
-
Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge e.V
- A lire concernant la ville de Lens au cours de la Grande Guerre, Le Martyre de Lens, trois années de captivité par Emile Basly. L'ouvrage est consultable en ligne sur la bibliothèque numérique de l'université de Lille 3





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