Le monument aux morts de Lens est l'un
des plus puissamment évocateur de notre département du
Pas-de-Calais. Il évoque en effet aussi bien le combattant et
le civil, le martyr des hommes et des cités, à travers
une oeuvre remarquablement exécutée. Il est aussi un support
d'expression politique de la municipalité socialiste d'après
guerre. On y rejette une certaine vision romantique de la guerre : le
Poilu y est présent mais n'est ni l'arrogant victorieux ou l'exalté
combattant d'autres monuments, il est simplement vigilant et plein d'une
résolution déterminée. Les civils, rarement représentés
sur les monuments, ne sont pas ici oubliés et ce sont une mère
et sa fille contraintes à l'exode, abandonnant le foyer avec pour
seule richesse un baluchon et une poupée brisée. Elles
rappellent que tous sont les victimes de la folie barbare des hommes et
en premier lieu les populations civiles. Quant à la représentation
de la ville de Lens, loin de l'évocation des grandes figures antiques
généralement convoquées au sommet des monuments,
elle domine l'oeuvre sous la forme d'une simple femme du peuple, résolue
et énergique face à la barbarie de la guerre, son bras plaqué
contre le corps proteste contre celle-ci.
Localisation :
Le monument était installé à l'origine
sur la place du Cantin. Le monument est désormais installé
au centre du rond-point Van Pelt
Marbrier : Augustin LESIEUX
Date d'inauguration
: 24 mai 1925
[ Voir l'inauguration dans la presse
d'époque], le choix d'une date d'inauguration
a été compliqué par des problèmes d'agenda.
Dans un premier temps, le conseil municipal annonça l'inauguration
pour le 28 septembre 1924, mais le monument n'étant pas achevé,
le 20 janvier 1925 le maire Emile Basly annonce l'inauguration pour le 12
avril 1925, soit le dimanche de Pâques. Le 5 février, le comité
d'érection informe d'un nouveau report au 17 mai 1925. Malheureusement,
quelques temps après on apprend que les élections municipales
sont fixées au 17 mai, l'inauguration doit donc être repoussée
à la semaine suivante.
Texte de la dédicace :
LENS
A ses enfants 1914-1918
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Architecte
: BARTHELET (architecte de la ville de Lens). Il
décrit ainsi son sujet : « Le motif principal
du monument est la ville de Lens personnifiée par une femme
du peuple aux traits rudes et énergiques, qui, le pied sur une
torpille, proteste du bras, en un geste puissamment éloquent,
contre l’envahisseur et ses actes de désolation. Sur le socle,
à droite, se trouve un Poilu appuyé sur son fusil et regardant
au loin l’arrivée de l’ennemi.
Derrière, une
femme et un gosse s’en vont, baluchon à la main, représentant
l’exode, la fuite navrante devant le feu, la faim, l’ennemi, l’exil
qu’ont connu beaucoup de Lensois.
A gauche, c’est le retour
au foyer démoli. C’est le mineur qui revient au logis et
retrouve le tout anéanti, brûlé et qui, les
mâchoires crispées et les poings serrés,
maudit éternellement la haine absurde des hommes qui s’entretuent.
La base du monument est orné de bas-reliefs situés
entre les trois sujets ci-dessus. Sous l’inscription ‘Lens à
ses enfants, 1914-1918 » se trouve une galerie de mine,
au boisage brisé, envahie par les eaux. Sur la gauche, au milieu
des fils de fer barbelés, un soldat porte secours à
un des ses frères d’armes mortellement blessé et sur
le motif de droite, le bombardement intensif saccage les usines et
les mines » [on lira dans la presse d'époque l'interprétation
du député Basly, maire de Lens, lors de l'inauguration]
Matériau : pierre
du Poitou
Coût
et financement : Prix forfaitaire de 243.000
francs dont 50.000 furent pris en charge directement par la
ville, de nombreuses souscriptions publiques financèrent le reste
(tombola, concours des commerçants, combats de coq, combat de Boxe
avec le célèbre Georges Carpentier, concert (dont un concert
de la Grade Républicaine), etc.)
Dans son édition
du 23 février 1925, le Journal de Lens évoque les
dissensions autour de l’édification du monument aux morts de Lens
et rapporte la vision de l’architecte sur ce monument :
Les membres du comité
d’érection du monument aux morts se sont réunis mardi
dernier, salle de la mairie, sous la présidence de M. Basly,
député-maire, et après une discussion ont décidé
de fixer au dimanche 12 avril (Pâques) la date d’inauguration
du monument aux morts. Un grand défilé sera organisé
à cette occasion, auquel sont conviées toutes les sociétés
de musique, gymnastique, ou autres, associations de mutilés et
d’anciens combattants. 20000 francs de primes seront distribués
entre les sociétés participantes. Mieux ! On assure que
des démarches vont être faites auprès de M. Herriot,
président du conseil des ministres, pour qu’il vienne présider
la cérémonie.
Nous savons donc enfin que la question du monument n’était
pas un mythe : qu’on s’en occupait, que des personnes dévouées
et des artistes s’ingéniaient à résoudre. Mais que
d’encre elle aura fait couler ! Combien d’articles auront été
faits à son sujet. Nous en avons sous les yeux toute une série
et nous remarquons que dans presque tous, il est question de M. Bartelet,
l’éminent architecte qui conçut le projet actuellement en
voie d’exécution. D’aucuns le louent, l’approuvent, d’autres l’attaquent,
le méprisent. Cela nous décide à lui rendre visite.
Nous nous présentons.
M. Bartelet nous accueille avec bienveillance. Après l’échange
des politesses d’usage, nous commençons l’interview et nous exposons
les motifs de notre visite. M. Bartelet nous regarde en souriant et
nous dit tout en ne cessant pas de ranger les paperasses de son bureau.
Monsieur, voici l’historique du monument aux morts. Un peu après
l’armistice, un comité particulier prit l’initiative de doter la
ville de Lens d’un monument ayant pour mission de perpétuer le
souvenir vivace des souffrances terribles endurées par Lens et
ses enfants durant la guerre de 1914-1918. L’idée était noble
et généreuse. Mais on ne sait pourquoi, jamais elle ne
prit corps et menaça de rester longtemps à l’état
de projet. Ce que voyant, M. Basly, député-maire, créa
un nouveau comité au sein duquel se trouvaient MM. Tacquet, Boulanger,
Cuvelette, Brachelet, Neuville, des anciens combattants, Pierron et d’autres
conseillers municipaux. Ce deuxième comité se mit tout de
suite à l’œuvre, choisit l’emplacement et demanda des projets. Six
furent présentés. L’un des miens fut retenu. Le comité
l’avait retenu parce qu’il semblait devoir concilier les critiques de tous
les partis politiques qui, naturellement, avaient à ce sujet des
opinions fortement divergentes, jugez-en d’ailleurs par vous-mêmes.
Nous examinons la photo de la maquette reçue et M. Bartelet
continue : vous le voyez, pas d’allégorie au cliché patriotique
trop classique, pas de tableau illusoire pouvant donner, ne fut-ce qu’une
seconde, l’illusion de la beauté trop souvent chantée
des batailles. Non, rien de cela. Simplement quelques chose qui, tout
en perpétuant le souvenir du cataclysme et de l’héroïsme
de nos morts, donne à nos enfants une image de tout ce que la
guerre a d’horrible. La ville de Lens personnifiée par une femme
du peuple aux traits rudes et énergiques qui, le pied sur une torpille
proteste du bras en un geste puissamment éloquent contre l’envahisseur
et ses actes de désolation. Cela forme le motif principal du monument.
Ensuite…
Ici l’artiste se lève. Il est tellement empoigné
par son sujet qu’il se met à marcher de long en large dans son
bureau tout en nous expliquant :
Sur le socle à droite un poilu. Et ce poilu, monsieur, n’est
pas là comme certains le prétendent, pour assurer à
la foule qu’il est prêt à remettre ça. Il dit, il crie
éloquemment, les pieds dans la boue, toute sa lassitude et sa souffrance.
Derrière lui, une femme et un gosse s’en vont, baluchon à
la main, ça monsieur, c’est l’exode, la fuite navrante devant le
feu, la faim, l’ennemi, l’exil qu’ont connu beaucoup de Lensois.
Ses paroles sont si vibrantes et si vraies que la vision évoquée
nous passe devant les yeux. Et à gauche, c’est le retour au foyer
démoli. C’est le mineur qui revient au logis et retrouve le tout
anéanti, brûlé ; alors, les mâchoires crispées
et les poings serrés, il maudit éternellement la haine absurde
des hommes qui s’entretuent.
M. Bartelet se rassied et roule entre ses doigts une cigarette
de Maryland.
La base du monument, continue-t-il, est orné de bas-relief
situés entre les trous sujets ci-dessus. Sous l’inscription Lens
à ses enfants 1914-1918, nous voyons une galerie de mine, au boisage
brisé, envahie par les eaux. Sur la gauche, au milieu de fils de
fer barbelés, un soldat porte secours à un de ses frères
d’armes mortellement blessé. Sur le motif de droite, le bombardement
intensif saccage les usines et les mines. D’ailleurs, ajoute-t-il, si vous
voulez venir vous pourrez juger d’après nature.
Nous nous rendons dans le baraquement à l’intérieur
duquel les ouvriers travaillent sous la direction de M. Lesieux. Et nous
restons étourdi.
Dieux ! Que c’est formidable et saisissant de réalité,
cette femme et sa gosse qui n’a pas voulu abandonner sa poupée
et qui la porte, cassée, dans son petit paquet. Et ce soldat résigné,
mais las des longs jours de bataille dans la boue. Et ce mineur, quelle
sobre et puissante expression dans son attitude.
Nous prenons congé de l’éminent architecte en le
remerciant de son amabilité, et nous partons encore tout bouleversé
de ce qu’il nous a été donné de voir.
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Détail du monument
aux morts de Lens :
Un soldat porte secours à un de ses camarades
mortellement blessé
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Détail du monument
aux morts de Lens :
les mines et les usines saccagées par les
bombardements
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Liste des fusillés en 1939-1945
:
CUIRLIK Simon (Né le 3 mai 1918, exécuté
le 4 novembre 1942, à la citadelle d’Arras)
LALOUX Hector (Né le 18 décembre 1884, exécuté
le 14 avril 1942, au fort du Vert-Galant à Verlinghem)
LETIENNE Jean (Né le 29 mars 1910, exécuté
le 11 août 1942, au Mont-Valérien)
PSAUTE François (Né le 6 juillet 1923, exécuté
le 17 juin 1942, au fort du Vert-Galant à Verlinghem)
Liste des militaires décédés
au cours des opérations en Afrique du Nord :
ANDRIES Daniel Adrien Corneille, né
le 25 octobre 1940 à Lens, décédé
le 21 juin 1961 à Chebli (Algérie)
BRAY Georges, né le 19 septembre 1940
à Lens, décédé le 6 juillet 1961
à Ouled Dhia (Algérie)
CYBULSKI Henri, né le 15 août
1936 à Lens, décédé le 8 novembre
1958 à Tessefour (Algérie)
FONTAINE Claude, né le 5 mars 1934 à
Liévin, décédé le 6 novembre 1956
à Port Fouad (Egypte)
FROMENTEL Pierre, né le 14 novembre
1937 à Lens, décédé le 27 juillet
1958 à Tessala (Algérie)
GUILLAUME Michel Bernard, né le 20 juillet
1937 à Paris, décédé le 25 juillet
1959 à Alma (Algérie)
KOSLOWSKI Henri Léon, né le 10
août 1934 à Lens, décédé le
4 juillet 1957 à Blida (Algérie)
LAMOUR Jean-Marie, né le 9 septemre
1937 à Wingles, décédé le 26 octobre
1959 à El Miha (Algérie)
MAHIEUX Robert, né le 31 octobre 1934
à Carvin, Décédé le 15 juin 1958
à Tebessa (Algérie)
MICHALAK Arthur, né le 7 juillet 1938
à Lens, décédé le 16 avril 1959
à Philippeville (Algérie)
NOSEK Stéfan, né le 29 novembre
1927 à Sledziejowice (Pologne), décédé
le 17 septembre 1957 à Babar (Algérie)
RAMBEAU Emile François, né le
5 janvier 1933 à Lens, décédé le
25 novembre 1955 à Tizi Ouzli (Maroc)
RAPACKI Valentin, né le 11 janvier 1931
à Lens, décédé le 15 janvier 1956
à El oued (Algérie)
THIBAUT Louis Edouard, né le 1 octobre
1935 à Lens, décédé le 29 juin 1957
à Ain Ketone (Algérie)
VANNOYE Raymond, né le 8 février
1937 à lens, décédé le 13 mai 1958
à Oued Sebbah (Algérie)
Vincent Auriol,
président de la République lors d'une tournée
dans la région en juillet 1947
dépose une gerbe au monument aux morts de Lens
Détails du monument aux morts de Lens :
"La ville
de Lens personnifiée par une femme du peuple aux traits
rudes et énergiques, qui, le pied sur une torpille, proteste
du bras, en un geste puissamment éloquent, contre l’envahisseur
et ses actes de désolation"
|
"Le mineur
qui revient au logis et retrouve le tout anéanti, brûlé
et qui, les mâchoires crispées et les poings serrés,
maudit éternellement la haine absurde des hommes qui s’entretuent"
|
"Un Poilu appuyé sur son fusil et regardant
au loin l’arrivée de l’ennemi"
|
"une femme
et un gosse s’en vont, baluchon à la main, représentant
l’exode, la fuite navrante devant le feu, la faim, l’ennemi,
l’exil qu’ont connu beaucoup de Lensois"
|
Liste
des militaires Lensois morts au cours de la Grande Guerre + étude statistique paru dans la revue
Gauhéria, n° 70, août 2009
Liste
des Juifs de la commune déportés au cours de la seconde
guerre mondiale
Les autres lieux de
mémoire de la commune
|
- Monument
aux morts de la paroisse Saint-Léger
- Au
pont Césarine, une plaque à la mémoire
de Charles Debarge, Moïse Boulanger et Marcel Ledent, fusillés
à la citadelle d’Arras pour avoir tués des allemands.
Charles DEBARGE (FTP) avait tué 2 sentinelles allemandes
gardant la voie SNCF le 11 avril 1942.
- Plaque en hommage à
Jean LETIENNE (cimetière).
- Monument de la société des mines de
Lens en hommage à ses ingénieurs, employés,
ouvriers et retraités morts pour la France au cours
de la Grande Guerre
- Plaques aux cheminots
- Monument aux victimes du bombardement
du 11 août 1944
- Plaque en hommage aux morts de la compagnie des mines
de Lens (1939-1945)
- Plaque aux morts de l’école Saint-Pierre
de la compagnie des Mines de Lens (actuelle école Pasteur)
- Lens Eastern
Communal Cemetery. Lens a été très
touché par la première guerre mondiale, en particulier
durant l'été 1917. Le cimetière communal a
alors été étendu par les troupes allemandes.
Une trentaine de soldats britanniques y reposent aujourd'hui, tous
tombés en septembre 1915 ou en octobre 1916.
- Cimetière
militaire allemand de Lens-Sallaumines. Contient près de
15646 corps de soldats allemands, et 2 russes. Cimetière ouvert
à l'automne 1914 par les troupes allemandes. Il reçut rapidement
le nom de cimetière de Lorette ou encore cimetière
du XIVe corps d'armée. Le cimetière fut totalement
endommagé en 1918 sous le feu de l'artillerie alliée. Les
autorités françaises remirent en état le cimetière
après la guerre. Dans ce cimetière repose Paul Mauck, l'un
des plus jeunes engagés allemands, il avait 14, et tomba le 7 juin
1915.
- Une rue de la commune porte le nom de 19 mars 1962,
en souvenir de la fin de la guerre d'Algérie.
Sources :
- Sur l'histoire
du monument aux morts (choix des artistes, comité d'érection,
souscriptions publiques, inauguration, etc.) voir l'article de Jerôme
Janicki paru dans l'Avenir de l'Artois (édition de Lens) des
23 octobre, 30 octobre 2008 et 6 novembre 2008
- GRAILLES Bénédicte,
Mémoire de pierre : les monuments aux
morts de la première guerre mondiale dans le Pas-de-Calais,
Archives départementales du Pas-de-Calais, 1992.
- Commonwealth War Graves Commission
- Mairie de Lens
- Archives départementales
du Pas-de-Calais : Livre d'Or de la compagnie des mines de
Lens (Cote : C2130)
- Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge
e.V
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