Le journal le Réveil du
Nord rapporte l'inauguration du monument dans son édition du 16
mai 1938 :
La cérémonie d’inauguration du monument à Alexandre
Davroux et Gaston Hocq s’est déroulée hier dans une atmosphère
de cordiale sympathie, de respect et d’émotion contenue. Partout dans
la cité minière, intensément laborieuse, les drapeaux
flottaient, des arcs de triomphe parés avec goût coupés
les artères. Les roulements de tambour,, les sonneries de clairon se
succédaient sans interruption. C’était la fête du souvenir.
Cette fête symbolisait l’hommage solennel rendu à la mémoire
des deux jeunes gens du pays qui, à l’âge de 17 et 18 ans, étaient
tombés sous les balles allemandes.
Quel fut le martyre de ces adolescents chargée de gloire, terme propre
à maître Philippe Kah et que celui-ci, en tant que président
d’honneur de l’union des prisonniers et victimes civiles de la guerre, a repris
dans son discours. Nous voulons en ce lendemain d’inauguration du monument
élevé à leur mémoire, le résumer ici d’après
l’allocution brillante du grand orateur et écrivain de talent qu’est
maître Kah.
Octobre 1914, Pont-à-Vendin est pris. L’incendie fait rage. La lutte
se poursuit entre les deux armées et Alexandre DAVROUX, surpris dans
un grenier, est fait prisonnier. Les Allemands l’accusent d’avoir tué
un de leurs soldats. Ils l’emmènent, le force à marcher et s’en
servent comme bouclier vivant pour avancer dans la direction des troupes françaises.
Plus tard, c’est à Aunay qu’il est conduit, brutalement poussé,
avec de lourds sacs attachés aux épaules. L’église d’Harnes,
la bataille de Lens. Le conseil de guerre dans le château Spriet. Sa
condamnation à mort. Alexandre Davroux ne bronche pas et s’écrie
: « la France sera victorieuse ». On le roue de coups de crosse
; un officier lui offre une cigarette, la cigarette du condamné. L’enfant,
qui n’a pas encore 17 ans, la jette à la face du président du
conseil de guerre. Les coups redoublent. On lui fait creuser sa fosse. Il
refuse de se faire bander les yeux et tombe sous la rafale, mais il a eu
quand même le temps de lancer les premières notes de la Marseillaise.
Gaston HOCQ, enfant d’une famille de dix, était à Cherbourg
quand la guerre fut déclarée. Trois de ses frères sont
au front et il veut les rejoindre. Il veut se battre lui aussi et défendre
son pays. Il est trop jeune, on l’invite à attendre. Il se cache à
Pont-à-Vendin, puis revêtant des vêtements féminins,
le voici partant vers Meurchin. Une patrouille allemande le fait prisonnier
et bientôt, les officiers devant lesquels on l’amène, le considèrent
comme un espion. Il sera fusillé comme tel et sans jugement, avec d’autres
civils français : Lorthiois, Lherbiez et Charles Homerin. Gaston Hocq
est traîné devant un mur de le rue Emile Zola, à Carvin,
où on l’exécute, ainsi que ses camarades de captivité.
Un modeste plaque scellée à ce mur, dit des fusillés
de Carvin, rappelle le meurtre du 9 octobre 1914.
Devant l’évocation d’actes aussi
cruels, devant le lumineux exemple d’héroïsme donné par
ces braves jeunes gens, le préfet du Pas-de-Calais, M. Rochard, ne
pouvait rester insensible à l’appel du comité d’organisation
de Pont-à-Vendin, que préside M. Cambier, ainsi qu’à
celui de la municipalité, présidée par M. Benjamin Cambier.
M. Rochard avait au contraire, et depuis longtemps déjà, marqué
la ferme intention de remettre lui-même la croix de la Légion
d’honneur attribué à titre posthume à Alexandre Davroux.
Et hier, le sympathique préfet était là, dès midi,
reçu en l’hôtel de ville de Pont-à-Vendin par le maire,
M. Benjamin Cambier, qui était entouré de ses adjoints : MM.
G. Davroux et V. Bizoux ; des membres du conseil municipal, ainsi que des
dévoués personnes qui avaient pris l’initiative de l’édification
du monument qu’un voile recouvrait encore, mais que toute à l’heure,
M. Jules Cambier remettrait officiellement à la ville, à la
gloire de ceux qui sont morts. Parmi les personnalités présentes
à l’hôtel de ville au cours de la réception de M. le préfet,
on notait la présence des familles des jeunes héros, ainsi
que de MM. Louis Couhé, président du conseil général
du Pas-de-Calais ; Paul Sion, député ; Robert de Bailly, sous-préfet
de Béthune ; le général Nicolle, représentant
le général Doumenc, commandant de la 1ère région
; J. Erouart, maire de Vendin-le-Vieil ; Philippe Kah, avocat au barreau de
Lille, président d’honneur de l’union nationale des P.C.G. ; Léon
Delsart, ancien député, président d’honneur de la confédération
nationale ; Guillemin, président des Croix de bois à Lille ;
Albert Deman, président des prisonniers politiques de Lille ; Delval,
président général ; Duffet, président ; Louis
Delplanques, Mme Hubert ; MM. Georges Ghys, Soufflet, des P.C. et victimes
de guerre ; Thomas Arthur, président d’honneur du comité d’érection
; Cambier-Marsy Jules, président du comité ; Gambier Fernand,
Rouge Théodule, vice-présidents ; Derviau Léo, secrétaire
; Pennequin Michel, secrétaire adjoint ; Selomme Alexandre, trésorier
; Vanlindt Fernand, trésorier général ; MM. Hochedez
Emile, Lamont Alexandre, Degorgue Fidèle, Hachin Antoine, Druelle Pierre,
Patout Alfred, Bocquet Antoine, Beaurepaire François, Baye Paul, Lemaire
David, Carrette Léon, Demerin Omer, Deschutter Maurice, Druelle Emile,
Godin Louis, Tailliez Gaston, conseillers municipaux ; Melle Théry
Léa, directrice de l’école de filles ; MM. Leleu Victor, Lemaire
Etienne, Gambiez Joseph, Lecocq Théophile, etc. membres du comité
; Courtelin, ancien commandant de gendarmerie ; le capitaine Jérôme,
le chef de brigade Ducrocq, MM. L. Belli, l’éminent statuaire, auteur
du monument ; Pajet, maire de Carvin ; Hazebrouck, commissaire spécial,
et ses collaborateurs ; MM. Rouveyrol et Moulins ; Emile Taillez et François
Carrette, Degorgue, Soufflet, Robé, de Montigny-en-Gohelle, etc.
Devant le magnifique monument dû au ciseau du grand maître statuaire
lillois L. Belli, MM. Jules Cambier, président du comité ; Benjamin
Cambier, maire : Soufflet, représentant de la fédération
; Sion, député ; Philippe Kah, représentant l’union des
P.C. ; Rochard, préfet du Pas-de-Calais, magnifièrent l’héroïsme
de ces adolescents humbles de cœur, dépouillés de toute vanité,
qui étaient tombés sans défense et sans qu’il y ait eu
de motif d’exécution. Et combien d’autres prisonniers ou victimes civiles
subirent le même sort ? les divers orateurs entendus employaient des
termes différents pour parler de ces braves, tombés en héros
dans cette région du « Nord, crucifiée où pendant
la tourmente le soleil ne se levait plus dans les cœurs », mais tous
employaient la même formule quand il s’agissait de maudire la guerre.
Ces belles phrases, pleine de fougue et d’ardent désir de paix, étaient
d’autant plus belles à entendre que, revenant d’Orchies où
les assises du congrès départemental de l’UNC se tenaient depuis
deux jours, nous les avions entendues déjà, au cours de la
matinée, acclamées par 10000 combattants. Eux aussi, c’est
gars du Nord, tout comme leur camarades du Pas-de-Calais n’ont comme idéal
suprême que la paix entres les peuples !
Et ce fut enfin, à M. Rochard, préfet du Pas-de-Calais, de
terminer cette partie officielle, en remettant à M. Etienne Davroux
la Croix de la Légion d’honneur attribuée à titre posthume
par le Gouvernement, à son frère Alexandre.
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