Dans son édition du 17 juin 1923, le journal La Croix du Pas-de-Calais rapporte l’inauguration du monument aux morts de la jeunesse catholique du Portel :

Inauguration du monument aux morts de la jeunesse catholique et de l’école chrétienne

Dimanche après-midi a eu lieu l’imposante cérémonie d’inauguration et de bénédiction du monument élevé par la section de l’ACJF et les anciens élèves de l’école libre du Portel. Le temps couvert durant toute la matinée et le début de l’après-midi, s’était levé vers 3h30 et c’est par un beau soleil, comme nous n’en avons pas eu depuis longtemps, que s’est déroulée toute la cérémonie. Les organisateurs et toute la population méritaient bien cette récompense. Chacun sait que les Portelois ne reculent devant aucun sacrifice et font bien les choses quand il s’agit de fêtes religieuses ou patriotiques. Cette fête du souvenir des héros disparus n’avaient rien à envier aux précédentes cérémonies, bien au contraire.

Le matin après la grand-messe, la procession du saint-sacrement en l’honneur du Sacré Cœur, dont c’était la solennité vendredi dernier, s’était déroulée dans les rues de la petite commune au milieu des fastes habituels et d’une population respectueusement recueillie.

L’après-midi à 4h30, le cortège descend par la rue Carnot et débouche sur la place pour se rendre à l’église où doivent être chantées les vêpres et le salut pour la mémoire des victimes de la guerre. En tête viennent un groupe d’enfants de chœur avec la croix, les trois reines et leur escorte de jeunes filles vêtues de blanc. Derrière, les diverses sociétés locales qui toute dans un beau geste d’union sacrée avaient répondu à l’ACJF : les anciens combattants du Portel et de Boulogne, la société du Drapeau, la société colombophile, différentes délégations, la musicale Portelloise et un groupe de la JC de Boulogne au milieu duquel M^e Minet, du barreau de Boulogne. Derrière encore, le conseil municipal tout entier, à la tête duquel marchaient : M. Césaire Gournay, maire du Portel et conseiller d’arrondissement et M. Berthelot, adjoint au maire de Boulogne. Enfin, pour terminer le cortège, M. le chanoine Régent, l’héroïque et légendaire aumônier du 1er corps et M. le curé du Portel, entourés du clergé de cette paroisse.

La foule se presse derrière le cortège, et la charmante petite église coquettement décorée est bientôt remplie. La cérémonie commence par les vêpres des morts, suivie de l’exécution par le choeur de la jeunesse catholique d’un Hymne aux morts inspirée des vers de Victor Hugo :

Puis vient le moment tant attendu où le chanoine Régent monte en chair. En termes énergiques, avec sa belle éloquence de prêtre-soldat que tant de poilus du 1er corps ont connue aux dures heures des combats, il brosse un vivant portrait des souffrances, du courage, de la bravoure et de l’ultime sacrifice de nos morts héroïques qui ont versé leur sang sur tous les champs d’honneur de Dixmude à Belfort. Il parle et la foule, suspendue à ses lèvres, l’écoute faire l’éloge funèbres de quinze cent mille français disparus au cours de la grande tourmente et supplier qu’on garde précieusement le souvenir de ceux qui sont morts pour que la France vive.

Le cortège se reforme ensuite dans le même ordre et gagne la cour de l’école libre où est érigé le monument, mais péniblement cette fois, car la foule l’a devancé et encombre en grande partie la rue. Pendant que les personnalités et les sociétés se groupent en demi-cercle autour du monument, la foule envahit les cours environnantes et grimpe sur les toits, sur les murs, partout où elle peut, pour voir la cérémonie d’inauguration.
M. Césaire Gournay, maire, découvre le monument tandis que la Musicale Porteloise sonne Aux Champs !
De marbre et granit blanc, simple, mais d’un goût sûr, le monument se compose d’une plaque, portant les noms des morts, entourée d’un encadrement où sont gravés en lettres d’or la devise de la jeunesse catholique : Dieu et Patrie et les deux dates inoubliables 1914-1918. Au bas de cet encadrement, et pour le parfaire, un casque et quelques palmes.
A côté, une petite plaque du même genre, en somme une réduction du monument : c’est la plaque érigée à la mémoire des anciens élèves de l’école libre et qui sera fixée dans une des salles de l’école.
Après la Marseillaise, M. le curé entonne une oraison et bénit le monument. M. le maire excuse M. Laban, sous-préfet, félicite les organisateurs de la cérémonie et tous ses administrés et apporte aux morts les hommages reconnaissants de la population portelloise et du Gouvernement de la République.
M. A. Justin, président de la JC du Portel salue ses camarades morts, au nom de son groupe.
Le TC Frère visiteur Paul, des écoles chrétiennes, en une courte allocution dégage des événements de la guerre une leçon pour les jeunes générations.
M. le curé enfin vient remercier les organisateurs et tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué au succès de cette cérémonie et forme le vœu de voir son troupeau vivre toujours dans de beaux sentiments d’union patriotique, dont il donne un si bel exemple.
La cérémonie officielle est terminée. La foule défile devant le monument qu’elle admire et salue respectueusement.
Une réunion intime groupait ensuite dans la salle des fêtes de l’école, autour du chanoine Régent et du clergé du Portel, les organisateurs et les sociétés et groupements. M. le curé y compléta la série de ses remerciements qu’une fâcheuse extinction de voix avait précédemment interrompue. Il dit toute la gratitude de la population chrétienne du Portel pour M. le chanoine Régent qui a bien voulu rehausser cette inauguration de sa présence. Il boit enfin à la prospérité de la France et au souvenir des morts.
M. Ch. Coppin, président d’honneur de l’ACJT du Portel, remercie à son tour, au nom du groupe du Portel et exprime la fierté qu’il éprouve avec tous ses camarades de posséder en un tel jour, le courageux aumônier Régent.
Ce dernier, dont l’éloquence ne tarit jamais reprend une seconde fois la parole ; il se défend de mériter les éloges dont on le comble (dont sa modestie se froisse) ; il salue encore les morts de la guerre, ses morts, pourrait-on dire, car il a tant secouru à leurs derniers moments !
M. Minet, avocat, et président du comité diocésain, félicite le groupe du Portel de sa belle initiative et lance un énergique appel à l’union patriotique de toutes les volontés pour le salut d’une France toujours plus grande et plus belle.
La réunion intime est finie à son tour. Le temps a bien vite passé, on s’étonne de l’heure et chacun rentre chez soi, tandis qu’entre une mer et un ciel serein, le soleil descend à l’horizon.