Le journal La Croix du Pas-de-Calais
rapporte l'inauguration du monument aux morts dans son édition du
14 novembre 1920 :
Thiembronne – inauguration du monument
Belle journée que celle du 7
novembre, consacré par les habitants de Thiembronne à honorer
leurs morts de la grande guerre. Le monument érigé par leur
générosité est des plus beaux et des plus impressionnants.
Le soldat mourant du grand sculpteur Jules Déchin est là étendu
comme sur un tombeau de marbre, sur lequel sont gravés les noms
des 33 victimes de 1914 et des quatre morts de 1870. La tête, d’une
rare expression de douleur et d’énergie, s’appuie sur une haute
stèle, que domine la croix. Le tout sur un socle granité des
mieux réussi, produit le meilleur effet. Temps superbe et doux, soleil
clair et chaud, vrai sourire du bon Dieu. Aussi, la foule, qui se presse
dans le pittoresque village de Thiembronne, est incalculable, plusieurs milliers.
Le matin, dans une église superbement décorée aux
couleurs nationales, avec profusion de drapeaux et d’oriflammes tricolores,
tranchant délicieusement sur les grandes tentures noires, on a chanté
un service solennel pour nos grands morts. La très nombreuse assistance,
qui remplissait les 3 nefs, a écouté avec un pieux recueillement
la chaude allocution de M. le curé de Renty, rappelant aux combattants
ses anciens camarades, leurs devoirs envers les frères d’armes tombés
au champ d’honneur. Souvenez-vous et priez !
L’après-midi ce fut comme une apothéose. Au dire de tous,
un seul mot, dans toute sa force, convient pour apprécier le décor
de la principale rue du village : magnifique ! C’est à l’envie qu’on
y a multiplié les arcs de triomphe, avec inscriptions appropriées,
rehaussées d’un grain de poésie. Des guirlandes multicolores
les relient entre eux, se mêlant, agréablement à une
forêt de sapins fleuris et de houx qu’un automne précoce a chargé
de myriades de baies rouges, tels des grains de corail. Ne cherchons pas
à dire quel fut le plus beau coin. L’embarras serait trop grand !
Si les saints du paradis organisent quelquefois des théories, ils
ne doivent pas passer par de plus beaux chemins ! !
Mais voici le cortège qui s’avance. Remarqué au passage,
un groupe de petits zouaves, au costume frais et pimpant, encadrant le drapeau
du Sacré-Cœur, avec un petit air martial, qui fait plaisir à
voir. Un groupe imposant de 70 jeunes filles, portant bouquets et écussons
avec le nom des morts, l’écharpe tricolore tranchant sur la robe
blanche. Sainte Jeanne d’Arc et son étendard, entourée de
jeunes Alsaciennes et Lorraines, la France et la Victoire, portant le sceptre
de l’autorité et l’épée du combat, accompagnées
des provinces recouvrées… Au cimetière, devant le monument,
après les notes sublimes de la Marseillaise, données par une
délégation de la musique de Fruges – après la bénédiction
donnée par le doyen de Fauquembergues – après un cantique de
circonstance très bien exécuté par le chœur de chant
paroissial, commence la série des discours. M. Joseph de Fernehem,
maire de la commune ; M. le sous-préfet Bertin-Ledoux, délégué
par M. le préfet ; M. le capitaine Etienne de Fernehem, enfant du
pays, avocat à la Cour d’appel de Paris, qui parle comme sait parler
un avocat ; M. Ernest Fournier, au nom des combattants ; M. Godart, au nom
des vieux qui ont travaillé à l’arrière pour fournir
à nos défenseurs le pain quotidien, exaltent à qui mieux
mieux les héros de la grande guerre et surtout le soldat paysan qui
a eu sa grande part dans la victoire de la France. Pour clôturer la
série, quelques mots de M. le curé de Thiembronne tendant à
élever les âmes au-dessus des contingences de ce monde, et réclament
pour Dieu, comme il convient, tout honneur et toute gloire. Selon l’heureuse
expression de notre héroïne nationale, les hommes d’armes ont
combattu et Dieu a donné la victoire. Le Christ, qui aime toujours
les Francs, a montré qu’on ne se confie pas en vain à son
divin cœur. Dieu le veut, Gloire au Christ !
La musique salue les drapeaux : les
autorités et le cortège rentrent à l’église
avec une foule nombreuse ; chante le De Profundis et la cérémonie
se termine par l’Hymne aux morts de Victor Hugo, brillamment enlevé
par les chanteurs et chanteuses. On ne saurait mieux faire. Félicitations
à Thiembronne. Qui a su si bien honorer ses morts.
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